Nakashima Hideki

"Je l'aime, un peu, beaucoup, passionément, à la f..."

Perdu dans ses pensées, Hideki était étendu sur l'herbe, adossé à un arbre, en train d'éventrer sauvagement une pauvre fleur dont les pétales ne se comptaient plus à présent que sur les doigts de la main d'un manchot. Ses cheveux roux battaient lentement le rythme régulier du vent, qui s'engouffrait par accoups à l'intérieur de sa chemise blanche entr'ouverte de quelques boutons. Les yeux rivés sur le sentier menant aux terrains de sport quelques mètres en contrebas, les doigts crispés sur le corps sans vie de la fleur étripée, Hideki pensait en réalité à cette jeune fille dont il avait fait la connaissance la veille. N'était-elle qu'une maîtresse de plus sur qui il avait jeté son dévolu ?

*Regarde-toi, mon pauvre. Tu fais tellement cliché.*

En effet, cette même situation se répétait très, peut-être même trop souvent dans la vie du jeune homme. Des relations sans profondeur, des filles sans personnalité, des moments doux qui laissent un arrière-goût amer. Voilà à peu près à quoi se résumait sa vie sociale. Heureusement qu'il pouvait compter sur Ren pour lui remonter le moral lorsqu'il était dans cet état d'esprit. Il aimait à quel point leur relation était simple et sans prise de tête, à tel point qu'il se disait parfois qu'il aimait son meilleur ami plus que personne d'autre.

Un groupe de jeunes filles en tenue de sport progressaient lentement sur le petit chemin qui menait aux cours de tennis. Même si elles étaient encore à une distance assez importante, Hideki pouvait les entendre glousser et piailler sans vergogne. Elles étaient sans nul doute sur le point de disputer un match en double, ou bien un mini tournoi, vu leur nombre. Lorsqu'elles arrivèrent à son niveau, les ladies se regardèrent en coin, puis baissèrent les yeux en silence. Une fois qu'elles l'eurent dépassé, elles se remirent à rire et à parler bruyamment ; Hideki en avait l'habitude : c'était le même cinéma à chaque fois que des filles étaient dans les parages. Mais il avait appris à s'y faire. C'est pourquoi il ramena rapidement son attention sur ses réflexions précédentes, sans vraiment chercher à mettre le doigt sur la source du problème. A vrai dire, tout s'embrouillait dans sa tête. Ses paupières se firent lourdes, la lumière diminua, et Hideki s'assoupit.

Quelques minutes après -dix, peut-être vingt-, le jeune homme se réveilla en sursaut. Un bruyant coup de sifflet l'avait sorti de sa torpeur ; il décida donc d'aller voir où en étaient les jeunes filles. A l'approche du cours en question, Hideki aperçu Ren, qui se tenait debout, de dos, quelques dizaines de mètres plus loin. Cette vision ralluma une petite flamme dans les entrailles du jeune homme, qui sentit la chaleur reprendre peu à peu possession de ses membres. Il se dirigea tout naturellement vers lui et, arrivé à sa hauteur, glissa silencieusement un bras sur son épaule.